Face aux assiettes désarmantes de clarté et d'adresse d'Alain Senderens, le guide rouge n'a longtemps eu que la possibilité de bégayer. Trois étoiles, trois étoiles... Le disque tournait en boucle. Et puis le chef, à 65 ans, en 2005 en a eu marre. "Marre de tout payer trop cher, puis d'en répercuter les prix, alors j'ai décidé de faire trois fois moins cher", expliquait-il hier, en retrait derrière ses larges lunettes, invité d'une Master Class du Grand Tasting au Carrousel du Louvre sur "Les accords parfaits du verre et l'assiette". Senderens a donc déscellé l'enseigne Lucas-Carton, à la Madeleine, pour y apposer la sienne, Alain Senderens, comme s'il respirait enfin une fois le masque enlevé. Le ticket moyen est passé de 400 à 100 euros. Et comme sa quête du Graal reste plus que jamais la communion parfaite entre un plat et un vin, il livrait hier quelques clés pour qu'un mariage évite les embardées gustatives. Franc parler, bon sens... On se serait presque cru dans son salon, auprès de l'âtre. A propos du Sauternes (un Château Suduiraut 2002 était servi aux participants) : "Foie gras et Sauternes ? Pff... C'est comme un homme et une femme dont on sait pertinemment qu'ils ne coucheront jamais ensemble ! Gras sur gras, non ! Pour que cela marche, il faut absolument que le foie gras ait été travaillé, qu'un plat ait été construit autour de lui. Terrine ou brioche, par exemple. Sinon, laissez tomber. Un foie gras seul préfère la compagnie d'un vin vif et jeune. Gardez vos vins liquoreux pour le dessert." Une question un peu embarrassée fut lancée en sourdine depuis l'assistance. "Mais tout de même, si on sert le Sauternes en début de repas ?" Senderens, du tac-au-tac : "Alors rincez le palais de vos invités avec un consommé de volaille avant d'enchaîner sur la suite".
(Photo : B. Wagner)
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