Il y a des jours qu'on aimerait pouvoir gommer de son agenda. Les samedis de décembre à Paris, par exemple. Au dehors, froid et humidité n'oublient de hanter aucune rue, aucun passage. Les boutiques ventrues aux étals customisés ont basculé en mode surchauffe. Entre résignation et frénésie, on a le plus souvent envie de brandir le joker de la fuite, d'oublier la liste des achats de Noël dans la poche d'une autre veste. Ce fut mon cas samedi dernier...
Egoïste, ma tangente n'en fut que plus délicieuse. Je l'ai partagée
avec J.-P., le complice bienveillant avec qui j'avais établi le
programme. D'abord un rendez-vous à la Civette du Palais-Royal. Cigares
et blagues de tabacs arômatiques en poche, nous pouvions filer en face,
sous les arcades de la galerie de Chartres. A L'Oriental, échoppe
minuscule, l'exhubérante Rakel dépoussiéra à notre demande une élégante
Kapp & Peterson. Une pipe droite au tuyau ceint d'une bague en
argent ciselée d'arabesques celtiques. Je l'ai d'emblée préférée aux
autres modèles passés entre mes mains. On ne prête pas toujours
suffisamment attention à certaines méditations hivernales. Tant d'entre
elles ne demandent que la compagnie placide d'une pipe... Pour l'heure,
l'atmosphère était au cigare. Bar Hemingway du Ritz ? Celui du Park
Hyatt Vendôme ? A seize heures trente, le premier n'était pas ouvert.
Direction rue de la Paix pour trouver refuge au sein du second.
Après
avoir traversé l'entrée, levé le front vers la hauteur hors-gabarit du
plafond du long couloir crème (d'un seul coup, l'égo prend ses aises,
les silhouettes s'allongent), on coupe au niveau des ascenseurs,
laissant à gauche la magnifique cheminée dressée au centre de l'espace
salon de thé - celle-là même devant laquelle Rachida Dati posait pour
Paris Match il y a peu, mais sans cigare - puis ultime changement de
cap vers la droite. La vaste salle de restauration aux tons sable et
ébène s'esquive en une travée sombre réchauffée par un halo de lumière
tamisée. Derrière le bar s'étire le plus long mur de bouteilles de la
capitale. Neuf mètres. Yann Daniel, le barman, a obtenu le Prix du
meilleur mojito de Paris en 2006 avec son Purple Mojito (rhum, sucre,
menthe, eau gazeuse, fruits rouges). Idéal pour accompagner nos
piramides dominicains, des Avo 80, à la fumée ample mais aux saveurs
torréfiées subtiles - du moins dans un premier temps : le module se
montrera particulièrement opulent passé le deuxième tiers... Le Purple
Mojito ? Un peu évanescent, se débattant dans la glace. Il aurait gagné
à arriver à notre table plus musclé de partout (rhum, sucre et fruits
rouges en particulier). Derrière les vitres, la terrasse extérieure
nous laissait penser qu'un système de chauffage bien adapté pourrait
accueillir les amateurs de fumigènes comme nous à compter du 1er
janvier 2008, faute de fumoir aux normes. Mais le sujet s'est vite
dissipé. Dans ce bar à cocktails, la conversation dévia sur le martini.
Pas l'apéritif italien, celui de James Bond. Préparé à la française ou
à l'américaine, quelle différence ? On nous apprit d'abord qu'à
l'origine, il n'y a de martini qu'à base de gin - la vodka est
cependant tolérée - rafraîchi d'un traît de vermouth (apéritif blanc à
base de plantes amères, le bar du Hyatt utilise du Noilly Prat), de
glaçons et d'olives. "Préparé à l'américaine, le vermouth est ajouté
aux glaçons dans le shaker pour leur donner du goût mais il est jeté
avant que la glace ne rejoigne le verre. Dans sa version française,
tout le vermouth est ajouté au gin", nous expliqua notre hôte. Pour
vérifier tout cela, il fallait bien en commander un de chaque. Verdict :
si les deux interprétations sont amères et astringentes (sensation de
resserrement des muqueuses), le martini à la française est un peu moins
sec, plus souple en bouche. Mais impossible de départager les deux
concurrents. Sur ce match nul, nous nous sommes levés pour affronter
l'obscurité.
Bar du Park Hyatt Vendôme, 5, rue de la Paix, 75002 Paris. De 15 h à 2 h.
Purple Mojito, Martini Dry : 25 €.
Tél : 01.58.71.10.60.
Photos : B. Wagner.
Et le dimanche alors ? On a récupéré des folies du samedi ou on a finalement cédé aux sirènes mercantiles des vitrines de Noël (ouvertes tous les jours de la semaine, pourquoi gâcher) ? ;-)
Rédigé par : Thierry Richard | 18 décembre 2007 à 02:04
On ne peut plus d'accord avec Peintre ;-) Gardez cependant à l'esprit qu'au 1er janvier 2008, le bar du Park Hyatt fera partie de ces lieux où l'on pourra déguster un cocktail... En renonçant à la compagnie d'un cigare. Pour les endroits "cigar friendly" répondant aux normes du décret d'application de la Loi Evin après cette date, rendez-vous sur ce blog. Infos et tests in situ dès les premiers jours de janvier...
Rédigé par : Benoit Wagner | 15 décembre 2007 à 00:42
"Mieux", je ne sais pas ..
Les "Fleurs du mal" y ont certes été remplacées par des orchidées, Néanmoins, Baudelaire aurait pu en dire :
"tout n'y est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté".
Personnellement, le luxe ne m'est pas indispensable ...
Mais les autres ingrédients participent à mon plaisir de déguster un cigare, surtout en bonne compagnie et sur des thèmes de jazz aussi bien choisis et dosés que les cocktails !
Et c'est un des endroits de Paris qui, à mon avis, les réunit le mieux.
Rédigé par : Peintre | 14 décembre 2007 à 20:18
Pour son ambiance, pour les gens avec qui j'ai pu le fréquenter, j'adore le bar du Park Hyatt Vendôme ! Pas encore essayé de fumer un cigare là-bas ceci dit... Est-ce mieux qu'ailleurs ?
Rédigé par : Mr Lung | 14 décembre 2007 à 18:53