C'était l'apéritif. François-Régis Gaudry reste à table et, sans parler la bouche pleine, nous conte la suite. Ci-dessous.
Ses premières émotions
culinaires
« Ma mère cuisinait hallucinamment bien. Mon père adore les grands
restaurants. Le Michelin était toujours dans la boîte à gants. Tout cela
m’a bien aidé.»
Sa griffe
« J’ai accepté d’entrer
à L’Express à condition de pouvoir y dire ce que je veux, d’élargir le champ
des cuisines évoquées et de payer toutes mes additions ».
Ses sources
« Je croise plusieurs
sources d’infos. Par exemple, un chef me téléphone pour me dire qu’il
vend et s’installe ailleurs, ou que tel restaurateur ouvre une autre adresse.
Un tiers des infos vient des attachées de presse. Je refuse leurs invitations,
bien sûr, mais je teste le resto incognito. Il y a aussi mes confrères - on se
connaît tous, on se téléphone de temps en temps. Une anecdote croustillante à
ce sujet. Lorsqu’Alain Ducasse a ouvert le Rech, il y avait un midi dans cette
salle de 50 couverts Marie Zotto (Elle), Jean-Claude Ribaud (Le Monde),
François Simon (Le Figaro), Emmanuel Rubin (Le Figaroscope) et moi-même !
On s’est reconnus, on l’a tous joué profil bas, nez dans l’assiette… C’est le
travers typique de ce que j’appelle « la course à
l’échalotte » : vouloir sortir l’info avant l’autre. Le scoop n’est
pas obligatoire. J’essaie de laisser une adresse se rôder avant d’y aller.
Son rythme
« Six à sept restaurants
par semaine. Je compense toujours un repas lourd par un repas léger. Légumes ou
soupe le soir à la maison. Je ne suis pas un gros mangeur ».
Ses notes
« J’ai renoncé au carnet de notes il y a six mois : les serveurs me repéraient. J’écris sur des feuilles A4 volantes, voire des papiers administratifs, posés à même la table sur une chemise en carton de couleur. Du coup, c’est très voyant, mais on me croit en repas d’affaires, prenant des notes pour un business quelconque. Je prends des photos avec mon téléphone portable pour me souvenir de certains plats. Je demande la permission de prendre un menu après avoir réglé l’addition ».
A table avec qui ?
« Ma femme en priorité.
L’avis de celui ou celle qui m’accompagne est capital. J’ai aussi deux
«compagnons de croûte» que j’invite à tour de rôle, un pote avocat,
un autre dans la pub. Eux aussi sont fiables ».
Le vin ?
« Jamais à midi, sauf
lorsque le thème du restaurant rend la chose incontournable, comme en ce moment Il
Vino, l’adresse ouverte par Enrico Bernardo, meilleur sommelier du monde
2005. »
Plat fétiche
« La raie aux câpres et
les spaghettis carbonara. La première parce que c’est un bon baromètre.
Réussie, elle résume la pertinence du chef. Les carbonara, car c’est le plat
italien le plus massacré. Il ne faut ni crème ni lardons, mais de la pancetta
ou du guanciale (bajoue de porc). Je le sais, c’est une recette que j’adore
faire à la maison. »
Plat détesté
«Je n’aime pas les desserts
au chocolat. Comme ma femme en est dingue, elle les déguste pour moi ».
Après la visite
« Je téléphone toujours,
car ma chronique raconte une histoire : celle de l’assiette et celle du
gars qui la fait. Cela me permet de préciser le nombre de références en cave,
et d’autres infos pas toujours possibles à collecter lors de ma visite. »
Des menaces, des plaintes ?
« Récemment, le chef
d’un excellent restaurant mauricien, le Chamarré (une étoile au Michelin), a
repris le Moulin de la Galette, à Montmartre. J’y suis allé, j’ai trouvé
l’adresse naze et attrape touriste, avec Dalida dans les enceintes et des prix
prohibitifs. J’ai écrit le mot « arnaque » dans mon article. Le chef
m’a demandé si j’avais écrit cela parce qu’il était Noir ! Il a fait
courir le bruit que j’étais raciste… »
La cuisine française,
aujourd'hui ?
« Elle bouillonne. Elle
a cessé depuis longtemps de se résumer à ses terroirs ».
Des adresses
secrètes ?
« Une bonne adresse me donne envie d’écrire, donc je ne garde rien pour moi. L’effet pervers, c’est quand cette notoriété se retourne contre le propriétaire. J’ai hésité avant de mentionner une table d’hôte à Trouville, à cause des 500 000 exemplaires de l’Express. Je l’ai fait. La typicité du lieu a été ruinée, la maîtresse de maison étant assaillie par les demandes… »
Le cigare ?
"Je ne le fume qu'exceptionnellement. Lors des mariages, par exemple.
Je regrette que le rapport au cigare se perde de plus en plus chez les
critiques gastronomiques. C'est certainement un "plus" gustatif".
Très agréable à lire cette ITW.
Bises
Rédigé par : szym&me | 06 avril 2008 à 10:27
L'interview est sympa, j'aime surtout l'illustration !
Rédigé par : Aude | 05 avril 2008 à 01:00
Jolie interview, cela donne envie…
Rédigé par : L'atelier des Chefs | 04 avril 2008 à 08:17