Que cherche-t-il à protéger derrière ses épais havanes ? Pourquoi rit-il comme un enfant lorsque son interlocuteur tire sur un fil ambigu, voire nauséabond de sa biographie (Klaus Barbie, son amitié avérée avec le nazi Suisse Genoud...) ? Barbet Schroeder, auteur de L'Avocat de la terreur, documentaire programmé demain mardi à 22 h 35 sur Canal + (et multidiffusé), nous jette dans l'arène, face au monstre médiatique et politique né d'une mère vietnamienne et d'un père réunionnais. Le réalisateur parvient à projeter des rais de lumière sur les zones d'ombre de la carrière de Jacques Vergès (indissociable de sa vie privée), tout en lézardant, au regard de nombreux témoignages, nos certitudes à son sujet. Durant ses huit années de disparition, était-il le bras droit de Pol Pot au Cambodge ? Assistait-il stratégiquement les luttes pro-palestiniennes ? De manière beaucoup moins glorieuse, s'est-il exilé pour fuir l'échéance d'une dette financière colossale ? Dans la partie de poker menteur qui se joue, assis dans son bureau patiné par les conversations secrètes et la fumée, cigare ou étui en cuir à la main, Vergès abat ses cartes. Celles d'un révolté jusqu'auboutiste. Filou, cynique ("Au procès Barbie, ils étaient trente face à moi, j'étais seul. Se souvient-on d'un seul nom parmi les avocats des parties civiles ?"), intolérable, sincère et humain à la fois. On en sort éclairé et secoué. En lutte avec trois vérités aussi séduisantes qu'incommodantes : celle de Schroeder, celle de Vergès... Et la nôtre.